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Rions ensemble… de ma religion

Dans le cadre de la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 59 sur le discours haineux, des citoyens se sont massivement élevés contre la proposition d’un leader musulman de contraindre la liberté de parole pour empêcher que des citoyens puissent se moquer publiquement de la religion et de ses chefs. Selon ce dernier, on pourrait se moquer du croyant ou de la croyante, car c’est un choix personnel, mais pas de ses croyances ni de la religion qui les institue, car celles-ci revêtent implicitement un caractère sacré.

Les religions valent-elles une risée?

On a bien vu avec l’histoire du Charlie Hebdo que du fond de chacune des religions se cache (de moins en moins d’ailleurs) un courant intégriste qui voudrait que l’absolu de leurs croyances, qu’elles soient partagées ou non par les autres citoyens, fassent l’objet d’un respect disons… religieux!

On dit parfois que parce qu’on est dans une société démocratique, la liberté de religion est « sacrée ». Moi je crois que ce principe ne se limite pas à la démocratie, mais bien au seul fait d’être intrinsèquement humain. Toute société qui se constitue sur le mode de la répression ne vise qu’à faire régner la loi du plus fort. La liberté d’expression a eu fort à faire dans les temps dominés par la religion au Québec, pourtant gouverné par une démocratie parlementaire. De même, au temps du communisme, combien ont payé de leur vie leur résistance et leur prise de parole. Je passe sous silence des exemples que l’on trouve actuellement dans un grand nombre de pays soi-disant démocratiques qui briment la liberté d’expression sur leur territoire, notamment le nôtre. Bref, ce n’est pas tant le fait de vivre en démocratie qui donne des droits, mais le fait que des humains ont milité pour qu’ils soient reconnus et maintenus.

L’évolution a justement démontré que l’humanité est capable d’autre chose que de répondre bêtement à des instincts de survie ou de domination. Nous avons tant vu de grandes réalisations basées sur l’entraide et la coopération que cela va de soi qu’il s’agit d’une sorte de fondement de notre caractère distinct. Et la liberté vient avec cette évolution de la conscience humaine : liberté de conscience et de religion, liberté d’expression et toutes les autres libertés fondamentales. Ces libertés sont au cœur du consensus qui s’est formé depuis Les Lumières et il serait tout à fait regrettable que les religions arrivent à entraver cet état de fait.

En vertu de la liberté d’expression, la moquerie, la dérision en paroles comme en arts visuels, la critique, l’interpellation acrimonieuse ne peuvent pas être interdites tout simplement parce que le principe fondamental de la liberté s’en trouverait écorché. La nature même des religions, fondées spécifiquement sur des croyances partagées surtout et parfois exclusivement par leurs adeptes, fait en sorte que tous les autres doivent jouir d’un droit de les critiquer et de s’en moquer.

Est-il correct de se moquer?

La loi prévoit des sanctions lorsque les critiques ou les moqueries portent atteinte à la dignité et à la réputation de la personne sur la base de propos non fondés, erronés ou mensongers. Les individus sont donc protégés par nos chartes, mais pas les religions instituées, autrement que comme expressions de la foi (et donc de la liberté) de leurs adeptes.

Ceci dit, est-ce toujours acceptable de se moquer? Certainement pas. Au-delà du droit reconnu, le jugement personnel pourrait être mieux éduqué pour que le respect s’installe davantage à l’endroit des croyants. C’est un des objectifs du cours Éthique et culture religieuse. Mais il demeure que ma foi chrétienne fait partie du choix que j’ai fait en poursuivant dans la voie de mon baptême, en approfondissement les intuitions développées par sa tradition et en demeurant dans l’appartenance à la religion catholique. Que l’on rit d’un cardinal aux tendances folichonnes, qu’on traite les catholiques de moyenâgeux ou qu’on dise que Dieu est une invention pour écraser les humains fait partie des sarcasmes que je dois m’attendre à croiser dans ma vie de croyant, au risque d’en être blessé.

Mais cela ne m’empêche pas de vivre ma foi. Cela ne m’empêche pas non plus d’être critique de ma propre religion et de celles des autres. Tenez, par exemple, lorsque je vois un jeune prêtre formé dans la fraternité Saint-Pie X annoncer une conférence où il viendra dire aux femmes catholiques en quoi consiste le vrai rôle de la femme, je ne peux pas m’empêcher de laisser partir une expression de gêne, à défaut de pouvoir en rire. Alors que les femmes ont trimé dur pour obtenir les droits qu’elles ont gagnés, un curé qui provient – de manière éloignée – de mon horizon religieux, à l’image de ceux d’autrefois, viendrait leur apporter l’unique vérité qu’elles doivent croire et comprendre sans que je puisse m’esclaffer? Non, franchement, je ris, mais je ris jaune!

Que les intégristes de tout acabit décident aujourd’hui de se ruer sur les places publiques pour nous rappeler combien nous nous sommes écartés du droit chemin est une chose, mais qu’ils se montrent incapables d’encaisser qu’on se paie leur tête, c’est tout simplement qu’ils n’assument pas eux-mêmes les croyances qu’ils tiennent pour vraies au point où il leur faut demander « au bras séculier » de contenir ceux qui les rejettent. Admettez qu’on serait alors bien loin de l’esprit de la laïcité

Moi je crois que la vérité s’établit par elle-même, car elle finit par s’imposer dans les cœurs qui la cherchent. Je ne suis pas certain qu’elle habite vraiment dans les esprits qui croient l’avoir déjà trouvée en l’imposant par la force de la répression plutôt que par la patience de la conviction qui découle du témoignage d’une vie engagée au service de son prochain.

1 Comments

  1. Mélanie

    Tellement vrai ce que tu dis!

    Donner son oui à Dieu, c’est aussi cela; accepter une certaine forme de martyre moderne. Parce que nous avons donné notre OUI à notre Dieu Trinitaire librement, et sans obligation, dans un pays où chacun est libre de ses croyances, il nous faut aussi accepter que cette même liberté demeure chez l’Autre. Je ne parle évidemment pas des pays où il existe encore malheureusement des conversions forcés et des persécutions…

    Mais il faut être conscient que même si nous ne vivons pas dans un de ces pays, il y a une certaine croix à porter avec le fait d’être croyants.

    Toutefois, l’intégrité a un prix et c’est normal. Bref, personne n’a jamais dit que faire le bien serait facile.

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