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Le travailleur mérite son salaire

Travailleuse de cuisine
Qui travaille le plus fort?

Quand on finit par connaître le revenu d’une personne dont les signes de richesse sont manifestes, il y a toujours quelqu’un de proche pour la bénir : « Ah, elle travaille tellement fort, elle mérite son argent. » Personnellement, je suis toujours outré par une telle affirmation, comme si les travailleurs au salaire minimum ne travaillaient pas tant que ça. Bosser dans un fast-food ou un commerce alimentaire, y faire des heures coupées, être confronté au public, tout ça pour moins de 10$ l’heure, c’est, selon moi, travailler fort et mériter son salaire. La plupart des emplois font travailler fort…

Quelle est donc la différence ? La responsabilité ? La capacité de produire des rendements ? En fait, qui sont les riches ? Il est probable que 90% des habitants de la planète répondraient: « Ce sont ceux qui gagnent plus que moi » et non pas « ceux qui travaillent plus fort que moi ». Il est vrai que la grande majorité des citoyens du monde pourra toujours en trouver d’autres qui gagnent plus ou qui possèdent plus que soi.

Mais alors qui sont les pauvres ? Est-ce que l’on répondrait dans la même proportion: « Ce sont ceux qui gagnent moins que moi » ? Pas si sûr. Car il est naturel de croire que nous n’avons jamais assez. Le désir de posséder est généralement lié au désir de bonheur, car même si on a des adages comme « L’argent ne fait pas le bonheur« , on en a bien d’autres aussi comme « Mieux vaut vivre riche et en santé que pauvre et malade ». Oui, avoir plus d’argent ne fait pas le bonheur, mais cela y contribue positivement.

Se positionner dans l’échelle de la richesse

Parlons un peu de chiffres. Le salaire hebdomadaire moyen des Québécois, tous secteurs confondus, s’est élevé à 797 $ en 2010, soit un total annuel de 41 480 $ alors que le revenu moyen des ménages approcherait les 60 000 $ (Source). Le seuil de faible revenu au Canada varie selon la taille de la famille et celle de l’agglomération. En 2003, pour un ménage de quatre personnes, il était de 37 253 $ dans une grande ville comme Montréal. Avec l’inflation, on pourrait l’estimer à près de 42 000 $ en 2010. L’écart entre le seuil de faible revenu et le revenu moyen pourrait donc être autour de 18 000 $. Ça, c’est donc ce qui se passe pour le monde ordinaire… Avoir plus ou moins 20 000 $ ne fait pas d’un ménage qu’il soit très riche ou très pauvre, bien que pour celui qui est déjà au seuil de faible revenu, ce serait une tragédie d’avoir moins!

Mais si on regarde du côté des hauts dirigeants des grandes entreprises dans le monde, les chiffres deviennent astronomiques. Restons au Québec: le Mouvement Desjardins, depuis l’origine, est formé de caisses populaires coopératives locales. À leurs débuts, elles regroupaient de petites gens qui mettaient leurs économies en commun pour éviter d’être abusées par les prêts usuraires et se donner des moyens d’améliorer leur vie et celle de leur localité. Le Mouvement a beaucoup évolué au point de jouer dans la même ligue que les grandes banques. On a appris récemment que sa présidente aura reçu 3 millions de dollars en 2010 en salaire, primes et contributions de retraite. Même si sa rémunération suscite des questions, c’est une somme relativement modeste dans le monde des hauts dirigeants. Elle indique toutefois à quel point le Mouvement s’est dénaturé en rémunérant ses dirigeants à la façon des grandes entreprises: « On n’a pas le choix, c’est le marché qui nous oblige à faire comme les grandes banques ! »

Les cadres des grandes entreprises gagnent parfois de 150 à 400 fois le salaire moyen des employés de leur compagnie. Vous imaginez l’ampleur que peuvent prendre ces chiffres ? Dans ces ordres de grandeur, gagner plus ou moins 1 millions $ n’a plus de signification sur le niveau de vie, comme le propose le blogueur Ezra Klein:

Gagner 50 millions $ est plus sympa que gagner 40 millions $, mais plus que les choses que ça permet d’acheter, c’est ce que cela dit de vous, de votre position: il s’agit d’une démonstration de votre valeur et non pas de ce que vous mettez sur la table. Les gens demandent souvent ce que font les cadres de tout cet argent. La réponse est qu’ils n’en ont pas besoin. Mais ils ont besoin de ne pas faire moins d’argent que les autres cadres. S’ils font moins, qu’est-ce que cela dit sur eux ? (traduction libre de « Why the rich want to get richer » dans le Washington Post du 20 juin 2011)

Voilà, la publication des revenus des hauts dirigeants est un indice de leur valeur et celle de leur entreprise ! Gagnez moins revient donc à dire que l’entreprise vaut moins et donc, assurément, que le dirigeant vaut moins que celui de l’autre compagnie ! D’où la course à toujours plus d’argent, symbole non plus de la valeur des choses, mais des personnes individuelles et morales.

Pendant ce temps, des gens sont vraiment aux prises avec la difficulté de vivre aisément dans notre monde, sans parler des peuples vivant dans les pays en émergence. Ceux qui ont moins que le revenu moyen des ménages luttent pour ne pas s’engouffrer dans des dettes causées par le désir d’être plus à l’aise, avoir un certain confort, faire des voyages ou simplement ne manquer de rien. Ceux qui ont moins que le seuil de faible revenu, eux, travaillent essentiellement pour arriver à payer les dépenses relatives aux besoins de base : logement, alimentation, vêtements.

À défaut de changer les règles…

Comme il est assez évident qu’on ne pourra pas changer le monde en 80 jours, il est souhaitable de chercher des moyens pour l’améliorer un peu. Il faut donc compter sur la générosité de tous, mais ceux qui ont plus que ce qu’ils peuvent dépenser en une vie ou même en une année sont particulièrement visés. Cela justifie d’encourager ces derniers à puiser dans les fonds qu’ils thésaurisent pour l’avenir et à se montrer toujours plus généreux, ce qui n’enlève rien à « leur valeur », bien au contraire.

C’est maintenant que les organismes d’entraide, les groupes populaires, ceux et celles qui accompagnent les personnes aux prises avec les tentations de la consommation sans en avoir les moyens, qui luttent parfois pour surmonter des dettes, qui vivent des situations psychologiques et sociales difficiles. Ces petits salariés qui travaillent fort contre la pauvreté ont besoin d’argent, même pas pour eux, mais pour en pour aider d’autres… En distribuant de l’aide alimentaire, vestimentaire ou en réclamant des logements sociaux, ils tentent de changer le monde pour le rendre meilleur. C’est de l’amour dont on a le plus besoin, de l’amour en acte, celui qu’on appelait autrefois « charité », non pas parce que c’est la solution, mais parce que c’est un moindre mal pour répartir — Oh ! si peu ! — la richesse accumulée, et ce davantage en faveur des personnes, des groupes et des peuples appauvris.

L’auteur-compositeur alternatif Claude Prieur a produit un album intitulé Mangez tous d’l’amour qui va dans le sens de cette conclusion.

L’argent mène le monde
Mais l’argent ne me mènera pas
Car je n’en ai pas !

Je ne suis pas un grand amateur de clip vidéo et les images de celui-ci ne me plaisent pas particulièrement, sauf que la chanson se veut en lien avec les idées que je défends ! Alors en toute simplicité, je vous propose de le visionner en guise de solidarité avec ceux qui n’en ont pas, mais qui ont peut-être, souhaitons-le, plus facilement accès à l’amour…

http://www.youtube.com/watch?v=wKw26AcXFjs

1 Comments

  1. Céline

    Puisqu’on parle de la « valeur » estimée de ceux qui font de scandaleux salaires, je me questionne sur la « valeur » qu’on accorde aux « insalariées » que sont les mamans au foyer, formatrices de notre société de demain… Vivra-t-on un jour dans une société qui saura reconnaître à sa juste valeur ces femmes qui « donnent leur vie » pour transformer notre société.

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